Matinée technique du 10 novembre 2023 à l’Icam Ouest autour de l’Économie Circulaire dans le BTP

Organisée par l’école d’ingénieurs Icam Ouest, la Région et la DREAL des Pays de la Loire, une réunion regroupant plus de 130 professionnels du secteur du bâtiment et représentants des collectivités territoriales s’est tenue le 10 novembre 2023 dans les locaux de l’Icam. La thématique de l’économie circulaire a été abordée à travers deux grands enjeux : le réemploi et les matériaux biosourcés.

Les enjeux du changement climatique et la réglementation environnementale des bâtiments neufs « RE 2020 » poussent les professionnels du bâtiment à trouver toujours plus de solutions dans les domaines de la construction et de la rénovation à travers notamment l’économie circulaire. Elle permet, en effet, une production et une utilisation plus durables des matériaux en limitant, à travers leur réutilisation, la consommation de ressources naturelles et la production de déchets. L’enjeu de la matinée du vendredi 10 novembre 2023 était donc de réunir les acteurs des collectivités territoriales et les professionnels des Pays de la Loire pour échanger autour de retours d’expérience et des bonnes pratiques dans le domaine.

M. Guillaume Lefevre, Directeur de l’Icam Ouest, M. Jean-Michel Buf, Président du Conseil National de l’Économie Circulaire, Conseiller Régional en charge de l’Économie Circulaire et Maire de Blain, Mme Anne Beauval, Directrice régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) des Pays de la Loire et Mme Emmanuelle Ledoux, Directrice Générale de l’Institut National de l’Économie Circulaire étaient présents pour ouvrir cette matinée. Deux parcours étaient ensuite proposés aux participants, le premier sur les biosourcés et le deuxième sur le réemploi.

Le parcours matériaux biosourcés

Table ronde n°1/ Exemples inspirants :

De nombreux projets innovants et inspirants mettant en œuvre des matériaux biosourcés ont déjà vu le jour sur le territoire français et la région des Pays de la Loire ne fait pas exception. En voici quelques exemples :


1) Hugues Delplanques (Loire-Atlantique Développement) : « Massification de la construction en terre crue : le projet de la ZAC maison neuve de Guérande »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Les propriétés d’une terre argileuse sont idéales pour la construction ;
  • Intégrer cinq bandes de verdure dans quatre bandes de logements permet de concilier intensité urbaine et qualité de vie tout en respectant la biodiversité ;
  • Ce projet est un levier pour le développement économique local, les mobilités actives, l’émergence d’initiatives locales écoresponsables en termes d’énergie et de gestion des ressources. Il a donné lieu à une mobilisation des filières et des emplois, à des formations ainsi qu’au rayonnement du territoire et à la mise en place d’une fabrique de terre.

2) Anaïg Lebeau (Région Pays de la Loire) : « 5 ans plus tard, retour sur le projet du Lycée de Nort-sur-Erdre »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Un lycée qui intègre des matériaux bio et géosourcés (structure mixte bois/béton, isolation en chanvre/lin/coton, peinture à l’huile de lin, de ricin et de poisson…) ;
  • Une certification HQE et un label des matériaux biosourcés niveau 3 ;
  • Confirmation de la grande qualité environnementale des matériaux biosourcés, qualité de l’air et confort hygrométrique.

3) Cédric Longin (CCB Greentech) : « Vers des innovations de rupture : le béton de bois structurel »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Le granulat de bois remplace le granulat de sable et constitue 80 % du béton dit « biosourcé » ;
  • Entre – 11 et – 61 kg de carbone épargnés par kilo comparé à du béton normal et 3 fois plus léger ;
  • Il répond parfaitement aux trois piliers de la réglementation RE2020 et est très facile de mise en œuvre.

Cette table ronde a soulevé, en conclusion, de nombreux questionnements sur le suivi et l’expertise nécessaire à la mise en place de tels chantiers mais également les occasions de reproduction de ces projets.

Sur le lycée de Nort-sur-Erdre, la Région des Pays de la Loire a assuré que la maîtrise d’ouvrage n’avait pas été complexifiée par l’utilisation des matériaux biosourcés mais qu’elle avait demandé beaucoup d’anticipation, une organisation différente et un regard particulier tout au long du chantier. Ces contraintes ont été grandement allégées par les conseils des fabricants et des professionnels du secteur comme Fibois et Echobat pour un résultat concluant avec une consommation énergétique du lycée abaissée aujourd’hui de 22 % par rapport à la moyenne du patrimoine immobilier régional.

Selon Loire-Atlantique Développement, le projet en terre crue de la ZAC Maison neuve de Guérande est difficilement reproductible en l’état, mais ouvre le champ des possibles. Les leviers peuvent être répliqués à échelle locale, en prenant compte des spécificités du terrain et des besoins des collectivités.

Table ronde n°2/ Biosourcés : Vers une massification/industrialisation

La réalisation de ces projets innovants ouvre la voie vers une massification de l’utilisation des matériaux biosourcés. La question, qui se pose, est si la région Pays de la Loire réunit suffisamment de ressources et d’acteurs pour la mettre en œuvre.


1) Héloïse Even (Région Pays de la Loire) : « Potentiel de développement des filières biosourcées actuelles et à venir en Pays de la Loire »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • La région des Pays de la Loire a beaucoup de ressources disponibles (état des lieux des ressources locales : chanvre, paille, ouate de cellulose, bois, roseau) ;
  • L’absence de compétition et le besoin de complémentarité des producteurs sont nécessaires pour généraliser l’utilisation de ces ressources.

2) Céline Bohers (Collectif paille armoricain) : « Construction paille : industrialisation ou pas ? »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Présentation des propriétés intéressantes de la paille (isolation, norme RE2020, fournisseurs, etc.) ;
  • Différents approvisionnements possibles soit à travers le fournisseur de bois du chantier, soit en achat direct chez les producteurs de paille ;
  • Des producteurs chefs de file de la filière présents sur les Pays de la Loire (par exemple : IsolenPaille, Profibre, Copano).

3) Vincent Pellet (Fédération des Distributeurs de Matériaux de Construction & Point P) : « Distributeurs et biosourcés, où en est-on ? »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • La distribution de matériaux biosourcés est de plus en plus généralisée ;
  • Les distributeurs incitent les particuliers à rénover avec des matériaux biosourcés ;
  • Besoin de formation dans le secteur, de proximité pour les livraisons et d’espaces de stockage adaptés.

Pour conclure cette table ronde, la question notamment de l’utilisation et du stockage des matériaux biosourcés a été posée étant donné leur sensibilité à l’eau. La fédération des distributeurs a parlé d’un besoin de formation dans le domaine tout en indiquant qu’il était toujours possible de faire livrer les matériaux directement du producteur au chantier pour éviter ces problématiques.

Table ronde n°3/ Biosourcé en rénovation et isolation extérieure

Les constructions vieillissantes des années 1970-1980 posent la question de leur rénovation et notamment de l’utilisation des matériaux biosourcés comme isolant.

1) Luc Stephan (Nantes Métropole Habitat) : « Quelle place pour la construction biosourcée dans le logement social face à la réalité économique actuelle ? »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Le Plan Climat de Nantes Métropole Habitat place l’accent sur une démarche énergétique ;
  • Besoin de solutions durables axées sur les besoins des habitants et la baisse des charges locatives ;
  • Pas de massification de l’utilisation des matériaux biosourcés envisagée pour l’instant dans l’attente de leurs résultats dans le neuf.


2) Céline Bohers (Collectif paille armoricain) et Joanne Massoubre (Architecte) : « Développement de la paille en Isolation Technique par l’Extérieur, retour d’expérience de Paris Habitat »

Les messages clés transmis lors de leur présentation :

  • Rénovation de l’isolation thermique d’un immeuble du 15ᵉ arrondissement de Paris avec de la paille en technique non-courante ;
  • Deux techniques différentes utilisées : technique de paille chevillée directement sur la paroi sur les étages supérieurs et techniques de paille sanglée sur les étages inférieurs moins exposés ;
  • L’achat de paille et de matériaux locaux entraîne un coût moindre qui a été réinvesti dans la main-d’œuvre.

3) Oriane Pichod (Copano) : « Développement de solutions biosourcées, low-tech et décarbonées »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Procédé unique en Europe de production de panneaux de paille sans colle, pressés et cousue à froid et à sec, très sobre en consommation énergétique, conçu avec une ancienne machine à fabrication de futon ;
  • Panneau rigide et souple à la fois, très simple à poser, sans technicité particulière ;
  • Ambition de l’entreprise de trouver un modèle économique et productif local.

Étant donné l’utilisation de ces matériaux relativement nouvelle pour certaines et, parfois, en technique non-courante, l’assurabilité des bâtiments a été un point soulevé dans les échanges de cette table ronde. Mme Massoubre a, toutefois, rassuré l’assistance en précisant que les assurances prenaient désormais en charge la plupart des matériaux d’isolation biosourcée.

Le parcours réemploi

Table ronde n°1/ Réemploi et territoire : structuration de filière

La France produit 240 millions de tonnes de déchets par an dans le secteur de la construction, ce qui la place en tête des plus gros producteurs de déchets de l’Union européenne dans cette catégorie. En région Pays de la Loire, la consommation de matériaux de construction est deux fois plus élevée que la moyenne française par habitant. Ces données font du réemploi un enjeu majeur de développement du territoire.

1) Mahfoud TAHLAITI (Icam Ouest) : « Etude de flux filière 3R Pays de la Loire-Atlantique »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • En 2021, le projet Filière 3R a été lancé par la Région des Pays de la Loire, la DREAL et l’ADEME afin de soutenir des projets innovants en lien avec la Réutilisation, le Réemploi et le Recyclage ;
  • Estimation du stock de matière disponible : 85Mt en Loire Atlantique et 34Mt sur Nantes métropole ;
  • Un nouveau modèle économique est à créer.


2) Théo Laferte (conseil départemental de la Mayenne) et Elodie Clinchard (APESS 53) : « Étude sur le réseau matériauthèque »

Les messages clés transmis lors de leur présentation :

  • Suite au constat en 2022 de l’augmentation des flux d’encombrants en Mayenne, le projet d’une matériauthèque a été lancé avec une partie initiale de diagnostic ;
  • Une expérimentation, sur un temps court, a été mise en place dans trois zones différentes (Laval agglo, Pays de Château-Gontier, Bocage mayennais) en collaboration avec les trois collectivités citées, deux acteurs de la logistique Alternatri et Envie Maine, et les points de vente Emmaüs et Maine atelier ainsi qu’un bureau d’études. Le bilan a été positif puisque les usagers apportaient de plus en plus de déchets et achetaient également de plus en plus de matériaux de seconde vie à l’issue de l’expérimentation ;
  • L’objectif est désormais de poursuivre et pérenniser cette matériauthèque.

3) Frantz Daniaud (Noria Formation) : « Approche compétence réemploi »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Le réemploi crée de nouveaux métiers, tels que : AMO (accompagner), diagnostiqueur, coordinateur (déposer les matériaux), valoriste (vente), formateur (communication/sensibilisation) ;
  • Il existe encore très peu de formations et de formateurs dans le domaine : une seule formation en France est certifiante, celle de technicien du réemploi des matériaux du bâtiment de Noria Formation ;
  • Aujourd’hui, il existe des tensions dans le domaine des ressources de la construction qui pourraient être solutionnées par le réemploi, mais il est nécessaire de changer de modèle à travers une vision de la ressource plus seulement comme un déchet mais avec des potentiels de vies différents.

En conclusion de cette table ronde, les intervenants ont rappelé la nécessité de formations et d’emplois dans le domaine du réemploi pour pouvoir établir des diagnostics plus fiables et identifier au mieux les matériaux réemployables de ceux qui sont recyclables.

Table ronde n°2/ Exemples inspirants

La mise en place d’une organisation importante est donc nécessaire autour du réemploi avec une demande toujours plus importante en compétences et en technicité. L’utilisation des matériaux issus du réemploi marque un tournant dans la gestion des ressources territoriales et vient répondre aux forts enjeux de flux de matériaux, à petite comme à grande échelle. En Pays de la Loire, la Région et les entreprises s’allient pour mettre en œuvre des techniques qui permettent de déposer des matériaux et de la réutiliser dans de nouveaux projets.

1) Anaïg Le Beau (Région Pays de la Loire) et Dimitri Coti (Elan) : « Intégration du réemploi dans l’appel d’offre (QHU) »

Les messages clés transmis lors de leur présentation :
• 4 enjeux : Connaître les gisements (déconstruction des cinq prochaines années), développer des protocoles génériques de caractérisation, développer des plateformes, massifier le recours au réemploi ;
• La Région s’est inscrite dans le booster du réemploi pour l’accompagnement de trois projets : le lycée de Luçon Pétré à reconstruire, le lycée neuf de Vertou, le quartier hospitalo-universitaire (QHU) ;
• Dans le cadre du projet QHU, l’objectif est d’allouer 1 % du coût des travaux à la fourniture de matériaux issus du réemploi.

2) Emmanuel MORISOT (Briand construction) : « Réemploi de la charpente métallique, défis et challenge »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Le projet visait le réemploi de la charpente métallique du hall Alstom sur l’île de Nantes dans une démarche d’expérimentation et d’apprentissage de l’entreprise afin de déterminer si cette démarche a un avenir pour le charpentier métallique ;
  • Propriétés techniques facilement requalifiables et couvertes par les assurances mais le réemploi coûte plus cher qu’une charpente neuve étant donné le processus qui doit être mis en place ;
  • Le projet ouvre la possibilité de mixer de l’acier primaire et réemployé mais le réemploi doit être soutenu et accompagné par la commande publique car il n’est pas économiquement soutenable à ce stade.

3) Anne Lefoulon (Podeliha) : « Stratégie de réemploi sur le patrimoine de la structure »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Podeliha, en tant que premier bailleur régional avec 27 000 logements en Pays de la Loire, a une responsabilité étant donné son impact dans le domaine du bâtiment. C’est pourquoi sa stratégie environnementale comprend un axe réemploi ;
  • Avec 1 000 constructions, 600 réhabilitations et 200 déconstructions par an, le constat est que la ressource circule déjà ;
  • L’entreprise s’appuie sur la filière du réemploi local (TPPL, ecocyclerie des Mauges, Apave…) pour déposer, réemployer, réhabiliter et soutenir des projets innovants.

La mise en œuvre de ces projets demande avant tout de la préparation et de l’organisation, ont précisé, en conclusion, les intervenants. Ces projets ont permis de montrer qu’anticiper la dépose et le réemploi des matériaux avec les entreprises, permet d’éviter les surprises et les surcoûts. Ils sont également destinés à créer une impulsion pour structurer la filière et faciliter le réemploi de demain.

Table ronde n°3/ Du gisement à la pose assurée

Pour être réutilisés au mieux, les matériaux doivent répondre à un ensemble de critères qui leur permet d’avoir une durée de vie prolongée. Ces critères sont évalués à la suite d’un processus qui vise à assurer leur conformité auprès des assurances, mais également leur performance et leur durabilité.

1) Mustapha Nouri (Icam) : « Potentiel réemploi et requalification »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Le potentiel de réemploi prend en compte 5 critères : la durabilité, l’intérêt commercial, la dépose, la requalification et la pose ;
  • Pour requalifier des matériaux de construction, les contraintes de réemployabilité (norme, durabilité, impact du prolongement de la durée de vie…) sont étudiés et un diagnostic pour estimer le potentiel de réemploi est mis en place. Le lot est, enfin, échantillonné et caractérisé pour produire une fiche technique.

2) Aurélien Slam (Socotec) : « Bureau de contrôle et réemploi »

Les messages clés transmis lors de sa présentation :

  • Les exigences pour le réemploi sont les mêmes que pour les matériaux neufs pour un usage similaire, mais ils sont mis en œuvre avec des techniques non-courantes à assurer ;
  • Besoin du métier de qualificateur technique pour confirmer l’aptitude du produit/matériau en préconisant et validant les essais ;
  • Quelques difficultés peuvent être rencontrées dans la mission (équipements dangereux, essais coûteux, etc.) mais des ouvertures sont possibles à travers notamment l’accompagnement du CSTB des filières dans la rédaction de guide de bonnes pratiques, les travaux du booster du réemploi et la rédaction de règles professionnelles.

3) Sarah Romeo (Add Value Assurances) et Emmanuel Morel (Articonnex) : « Démarche assurantielle des produits du réemploi »

Les messages clés transmis lors de leur présentation :

  • Du fait de la garantie décennale en France, le réemploi est compliqué à mettre en œuvre car l’assureur n’a pas la garantie que les matériaux auront les mêmes performances que des produits neufs et le fabricant initial a disparu de la chaîne de responsabilité ;
  • Pour résoudre ce problème, la structure de réemploi Articonnex propose désormais deux garanties sur les matériaux (remplacement et dommage) en tant que metteur sur le marché. Tous les matériaux ne sont pas tous assurés pour le moment mais l’objectif est d’étendre ces garanties à la majorité des matériaux. Cela oblige aussi Articonnex à faire des choix assez forts en ne sélectionnant que des matériaux de qualité donc connus, solides et à s’entourer des acteurs de la requalification comme l’Icam ;
  • D’autres pistes sont également envisagées à travers notamment le projet SPIROU du CSTB qui liste les produits/matériaux du réemploi pouvant être assurés de la même manière que les autres produits, ce qui permet au secteur d’avancer sur l’assurabilité de ces matériaux.

Bilan

Pour conclure cette matinée de l’économie circulaire dans le BTP, Mme Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’Institut National de l’Économie Circulaire, a évoqué des échanges riches en exemples et en réponses concrètes. Tout l’enjeu sera bientôt d’adapter le cadre réglementaire pour être en capacité de générer une véritable impulsion politique.

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