Atelier régional EcoQuartier le mardi 15 octobre 2019 : "Evaluer son écoquartier".

C’est dans les locaux de la Maison des Compagnons du Devoir à Nantes que les participants à cet atelier régional écoquartier organisé par la DREAL des Pays de la Loire ont pu partager des expériences sur les méthodes et outils d’évaluation des opérations d’aménagement.

Depuis le lancement du label écoquartier, le sujet de l’évaluation n’a cessé d’être au cœur de la démarche. L’engagement 5 du référentiel demande ainsi aux porteurs de projets de « mettre en œuvre, à toutes les étapes du projet et à l’usage, des démarches d’évaluation et d’amélioration continue ».

Au-delà des objets et thématiques choisies, des méthodes utilisées, l’élaboration d’une démarche d’évaluation doit être conçue, avant toute autre considération, comme un outil au service du pilotage du projet. Parce qu’ils poursuivent des objectifs souvent ambitieux et parfois innovants, les porteurs de projets d’écoquartier ont tout intérêt à mettre en place des outils de mesure de leurs actions dès les phases amont et pré-opérationnelles.

Des démarches d’auto-évaluation et d’amélioration continue peuvent être engagées progressivement sur tout ou partie des objectifs de l’écoquartier, ou de tout projet d’aménagement, en tenant compte des moyens dont dispose le porteur de projet et ses partenaires.

Afin d’éclairer les porteurs de projet sur les outils d’évaluation mobilisables, un référentiel d’évaluation, fonctionnant comme une boite à outils, a ainsi été mis à la disposition des porteurs de projets sur la plateforme écoquartier.

Puis dans le cadre des réflexions conduites en 2016 sur la rénovation du Label écoquartier, une quatrième étape a été ajoutée à la démarche de labellisation. Ainsi, trois ans après l’obtention du label - étape 3, les projets engagés dans la démarche ÉcoQuartier peuvent postuler à la quatrième et dernière étape de labellisation autour de la mesure des bonnes pratiques en matière d’évaluation et d’amélioration continue.

Le label - étape 4 vient valoriser les méthodes, les dispositifs et les actions qui assurent la tenue des engagements ÉcoQuartier dans le temps, et qui mettent en perspective les usages projetés au moment de la conception et les usages observés dans la réalité du quartier habité, vécu.

En dépit de la vertu désormais reconnue de l’évaluation comme outil de gestion de projet, l’expérience de 7 campagnes de labellisation montre que la notion n’est pas toujours comprise. Néanmoins, quelques collectivités ont commencé à se doter d’outils. Le but de cet atelier était de partager certaines de ces démarches.

Afin d’introduire le sujet de l’évaluation qui reste une question encore difficile à appréhender pour un certain nombre d’acteurs de l’aménagement, cette matinée a commencé par une table ronde avec 3 acteurs de l’aménagement - Fabien AURIAT (Ministère de la Cohésion des Territoires), Hugues DELPLANQUE (Loire-Atlantique Développement – SELA) et Karine LAPRAY (Bureau d’études TRIBU) - auxquels il a été demandé d’échanger sur "pourquoi évaluer son écoquartier ?"

Pour souligner en quoi l’évaluation est un élément central de la démarche EcoQuartier portée par le Ministère de la Cohésion des Territoires, Fabien Auriat a rappelé les 4 axes autour desquels est organisée la labellisation étape 4 :

Axe 1 - l’évaluation des objectifs prioritaires du projet : les objectifs principaux du projet ont-ils été atteints ?
Axe 2 - le retour des habitants et des usagers : comment les habitants se sont-ils appropriés le projet ?
Axe 3 - le retour des gestionnaires du quartier : comment les gestionnaires appréhendent-il le projet après trois ans de fonctionnement ?
Axe 4 - l’effet levier du projet : les enseignements de ce projet ont-ils fait évoluer la manière de concevoir les projets d’aménagement sur le territoire ? Ont-ils inspiré d’autres territoires ?

Plus d’informations sur l’étape 4 du label écoquartier sur le site écoquartier : http://www.ecoquartiers.logement.gouv.fr/

Karine Lapray qui accompagne, depuis plusieurs années, au sein du bureau d’étude TRIBU les collectivités et les aménageurs sur des projets d’écoquartier, a pu évoquer les raisons qui doivent inciter les porteurs de projets à mettre en œuvre des dispositifs d’évaluation. Parmi elles, 3 principales peuvent être retenues :

  • Garantir la tenue des objectifs fixés préalablement dans le temps long ;
  • Permettre des réajustements en cours de projet, se réinterroger collectivement ;
  • Capitaliser pour tirer des enseignements sur d’autres projets.

A partir de son expérience d’aménageur, Hugues Delplanque a partagé les enseignements issus de l’évaluation du quartier de la Fleuriaye à Carquefou (44). Conduite sur 5 années et portant notamment sur les performances énergétiques des 300 logements et des bâtiments tertiaires (Passivhaus), la démarche d’évaluation mise en œuvre implique d’être élaborée avec l’ensemble des partenaires le plus en amont possible. Outre la présentation des indicateurs de suivi et des résultats observés, Hugues Delplanque a pu rappeler quelques idées forces :

  • L’évaluation requiert d’y consacrer du temps et des moyens humains et financiers ;
  • L’évaluation doit être réalisée sur de longues périodes (plusieurs années) pour être représentative ;
  • Pilotée par la maîtrise d’ouvrage (directe ou déléguée, dans le cas de l’aménageur), l’évaluation permet d’organiser la transversalité du projet en articulant la pluralité des compétences mobilisées.

Ensuite Karine LAPRAY, a livré son expérience en matière d’évaluation d’opérations d’aménagement à partir de l’exemple de Lyon Confluence qu’elle a accompagné. Plusieurs dispositifs d’évaluation ont ainsi été déployés à différentes phases du projet et sur différentes thématiques : performance énergétique des bâtiments, usages des espaces publics, retour sur les habitants de certains ilots, etc. En tant que processus itératif d’amélioration continue, l’une des premières qualité de l’évaluation est selon elle de permettre aux porteurs de projets de s’interroger sur les fondamentaux des pratiques d’aménagement : l’énergie, les déplacements, la conception et la gestion des espaces publics, les équipements collectifs, etc.

Juliette MAITRE (CEREMA) a ensuite présenté un retour sur les logements produits dans les écoquartiers à partir d’une étude réalisée sur une trentaine d’opérations labellisées en France. Pour ce qui est des logements proposés en accession (en comparaison des logements vendus au détail en secteur diffus autour des écoquartiers étudiés dans les métropoles de Nantes, Rennes et Lyon), cette étude souligne que dans les écoquartiers, il existe :

  • une meilleure répartition des logements avec plus de grands logements ;
  • plus d’accession aidée ;
  • plus de diversité des formes urbaines ;
  • moins de ventes à investisseur ;
  • des prix moindres.

Hélène CHIRON (SCOPE(S) / Université Lyon 2) a ensuite présenté - par visioconférence - un outil utilisant une approche en psychologie sociale destiné à mesurer le ressenti du « climat urbain » par les habitants. A travers la définition de 5 dimensions qui caractérisent la perception du climat urbain d’un quartier, cet outil utilisé dans plusieurs opérations de la métropole lyonnaise, permet, à la fois, de suivre dans le temps l’évolution de la perception des habitants sur leur quartier, et aussi de comparer entre eux plusieurs quartiers à travers le vécu qu’en ont les individus.

Olivier GANNE (association Bretagne vivante) a présenté les méthodes d’évaluation de la biodiversité et des milieux naturels qui peuvent être mises en œuvre dans l’aménagement opérationnel. Là aussi, le travail d’évaluation couvre l’ensemble des étapes. Lors des phases amont d’études, il s’agit ainsi de réaliser des inventaires de la faune, de la flore et des milieux naturels. puis en phase de chantier, il s’agit de veiller à ce que les préconisations de protection soient bien réalisées. Enfin, à la livraison de l’opération, un plan de gestion est élaboré et mis en œuvre, nécessitant des suivis et des interventions le cas échéant.

Pour terminer cette matinée, Marika FRENETTE (WIGWAM Conseil), en tant que grand témoin, a partagé quelques réflexions inspirées par les interventions et les échanges de la matinée.

Elle a ainsi rappelé que le sentiment d’appartenance au quartier (le quartier vécu) peut être différent du périmètre de l’opération tel qu’il figure sur le plan masse. De même, parallèlement à l’évaluation des objectifs stratégiques de l’écoquartier, il est nécessaire de prendre en compte les aspects plus ordinaires liés à l’usage quotidien des bâtiments (la poignée de porte qui ferme mal, la fuite d’eau…) et des espaces publics, qui peuvent agir comme autant d’ « irritants » pour les habitants.

L’intérêt de s’inspirer des méthodes de « Design Thinking » * où, dès les phases premières phases de réflexion et d’exploration, les partenaires et les usagers sont associés, a également été évoqué.

Pour finir, Marika Frenette a rappelé que si l’intelligence technique est essentielle, il est également important de ne pas oublier de mettre de « l’intelligence émotionnelle » dans les projets. Un ingrédient difficilement objectivable mais qui peut faire la différence. C’est ce que les anglo-saxons désignent par « the aha moment », c’est-à-dire ce moment où la solution à un problème se présente avec évidence.

* Design thinking : processus d’innovation qui consiste de partir des besoins - réels ou potentiels - des utilisateurs, pour générer des idées et des solutions. Il s’appuie sur un processus de co-créativité impliquant l’utilisateur final.

Partager la page

S'abonner

Sur le même sujet