Atelier régional ÉcoQuartier - Quels coûts pour un ÉcoQuartier ?

90 personnes sont venues participer à l’atelier régional ÉcoQuartier organisé par la DREAL des Pays de la Loire le jeudi 30 juin 2016 à l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes.

La mise en œuvre des principes du développement durable dans l’aménagement opérationnel suppose bien souvent d’adopter des objectifs et des pratiques qui marquent une évolution avec les manières de faire habituelles. On peut ainsi citer :

  • privilégier le renouvellement urbain,
  • anticiper voir dépasser les réglementations thermiques,
  • développer les énergies renouvelables,
  • avoir recours à des matériaux bio-sourcés issus - de préférences - de ressources locales,
  • rechercher des formes urbaines plus denses,
  • encourager l’habitat participatif,
  • favoriser la diversité des fonctions et la mixité sociale,
  • associer la population dans l’élaboration des choix de programmation,
  • promouvoir des dispositifs collaboratifs et de partage,
  • mettre en œuvre des démarches d’évaluation,
  • préserver voire développer les continuités écologiques,
  • réduire la place de la voiture (circulation, stationnement), etc.

Que l’on évoque l’utilisation des friches urbaines dans les grandes villes ou bien les opérations de revitalisation des centres-bourgs dans les petites communes, la priorité au renouvellement urbain peut rendre plus complexe le montage des opérations d’aménagement en raison d’une ressource foncière de plus en plus rare et coûteuse dans certaines situations. Dès lors, on peut s’interroger si cette complexité de départ rend plus difficile l’atteinte d’autres objectifs comme la performance thermique, la création d’espaces publics de qualité, la protection de la biodiversité ou la création d’équipements collectifs et de commerces.

La somme des objectifs poursuivis par les démarches d’aménagement durable comme la labellisation ÉcoQuartier est-elle alors une contrainte qui s’impose aux maîtres d’ouvrage et concepteurs d’opérations d’aménagement et réduit les possibilités d’innovation dans un contexte de crise de l’accès au logement par les ménages modestes et moyens ? A l’inverse, d’autres discours, comme celui porté par le ministère du logement et de l’habitat durable, soulignent que cette complexité produite par la nécessité de prendre en compte de nouvelles exigences (foncier rare et cher, lutte contre l’étalement urbain, lutte contre les inégalités sociales, transition énergétique, etc.) doit encourager les acteurs de l’aménagement à inventer de nouveaux modèles et pratiques, à stimuler l’innovation technique, à explorer de nouveaux montages financiers, de nouveaux types de partenariats et proposer d’autres cadres réglementaires.

Mais les coûts supplémentaires de certaines ambitions ne doivent pas se limiter aux dépenses nécessaires à la réalisation de l’opération. Les coûts et les bénéfices globaux à moyen et long termes doivent aussi être pris en compte. On pense à la gestion des espaces publics, la lutte contre la précarité énergétique grâce à des bâtiments performants, le maintien voire le développement de l’activité dans les centres-bourgs, les recettes générées par l’arrivée de nouveaux habitants, le maintien ou la restauration de certains éléments écosystémiques (zones humides par exemple), etc.

Atelier régional EcoQuartier - 30/09/2016

Certains bénéfices comme la revitalisation d’un quartier ou d’un centre-bourg, l’amélioration du "vivre-ensemble", la lutte contre précarité énergétique, la préservation voire le développement de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques ne sont pas aisément quantifiables à court terme dans le cadre du bilan financier de l’opération. Comment prendre en compte ces bénéfices difficilement quantifiables sur le moyen et le long terme ? Qui peut en assumer les éventuels coûts lors des phases de réalisation de l’opération ?

Loin de prétendre épuiser la question des coûts et bénéfices que l’on peut attendre des écoquartiers et de l’intégration du développement durable dans l’aménagement opérationnel, le programme de cet atelier a tenté d’apporter quelques clés de compréhension sur les leviers disponibles pour relever les défis de la Ville Durable.

Hugues DELPLANQUE de Loire Atlantique Développement - SELA, société d’aménagement du département de la Loire-Atlantique accompagnant les collectivités pour réaliser leurs opérations d’aménagement -, nous a montré comment le rôle de l’aménageur, situé au cœur du processus de fabrication des futurs écoquartiers, est de rendre possible l’atteinte d’objectifs ambitieux visés par la collectivité. Outre son rôle classique d’aménageur consistant à accompagner les collectivités dans la réalisation et le pilotage des opérations d’aménagement, la SELA a développé des activités d’investisseur, de gestionnaire et de producteur d’énergie à travers notamment sa filiale Enée 44. Cette diversification du métier d’aménageur permet à la SELA d’avoir une démarche large dans le pilotage des opérations d’aménagement consistant à croiser et intégrer les diverses dimensions de l’aménagement (foncier, programmation, phasage, performance environnementale et énergétique…). L’expérience acquise dans ces activités permet en particulier d’optimiser les montages juridiques et économiques avec les partenaires (collectivités, promoteurs, bailleurs sociaux, gestionnaires de réseau, fournisseurs et investisseurs dans les énergies renouvelables…) rendant possible et tenable dans le temps l’atteinte de niveaux ambitieux de performance énergétique. Cette approche est illustrée par les cas de la ZAC du Champ de Foire à Clisson (écoquartier en renouvellement urbain, 260 logements dont 26 logements sociaux Passiv Hauss livrés en 2013) et de la ZAC de La Fleuriaye II à Carquefou (un quartier avec plus de 300 logements Passifs neutre en énergie). A partir de ces 2 cas, Hugues DELPLANQUE a montré qu’une innovation est au service d’un projet opérationnel d’aménagement et non un objectif en soi. Les dimensions sociales et économiques demeurent les caractéristiques centrales d’une opération destinée à devenir un lieu de vie pour ses habitants. Les objectifs environnementaux et énergétiques doivent ainsi contribuer à la valeur sociale et économique du futur écoquartier.

Laurent GOURDON, Stéphane CAILLAUD et Olivier SELLES de Bouygues IMMOBILIER ont exposé le point de vue d’un acteur majeur de l’aménagement qu’est le promoteur immobilier. A partir des exemples des programmes de logements visant des objectifs Passifs comme OZMOZ à Orvault et TEMPO à Carquefou, les 3 intervenants ont pu développer les conditions de réalisation de ces projets innovants. Si des aspects comme la configuration et l’orientation du site, les matériaux, les procédés constructifs qui garantissent l’étanchéité à l’air, la mobilisation des partenaires sont des éléments dont la maîtrise est cruciale, celle des coûts demeure encore délicate à respecter dans certaines situations. Bouygues Immobilier estime ainsi à 15% le surcout au m² d’un bâtiment doté de performances énergétiques passives. Ces programmes ambitieux constituent néanmoins des "laboratoires" où il s’agit de tester et éprouver des procédés constructifs et des partenariats avec aménageurs, architectes, prestataires et fournisseurs. De ces expérimentations pourront être validés et déployés des méthodes, des savoir-faire et des technologies pouvant être mis en œuvre à des coûts décroissants et permettre ainsi aux innovations de se diffuser à large échelle.

Le développement de la modélisation des données du bâtiment (la fameuse maquette numérique ou BIM comme Building Information Model dans sa formulation d’origine) devrait permettre de réduire les délais et d’optimiser l’intervention des différents acteurs qui participent tout au long de la chaine de conception et de réalisation d’un bâtiment.

Pour clore la matinée, David CHEVALIER de Nantes Métropole Habitat a présenté l’opération du Grand Carcouet située dans le val de Chézine à Nantes, un programme de 30 logements répartis sur 2 bâtiments à énergie positive (BEPOS) livrés en janvier 2014. Profitant d’un foncier remarquable doté d’un excellent potentiel en matière d’exposition, Nantes métropole habitat a ainsi voulu tester la faisabilité d’un niveau de performance supérieur aux normes en vigueur à la fin des années 2010. Pour un projet lancé en 2010, l’objectif fixé vise en effet les standards thermique de 2020. Volontairement conçu pour être simple d’utilisation par les habitants, l’ambition BEPOS a été principalement atteinte grâce aux principes bioclimatiques (exposition, logements traversants, grandes surfaces vitrées, disposition des pièces, matériaux, isolation, compacité architecturale). Les bâtiments sont dotés de panneaux photovoltaïques placés sur la quasi-totalité de la surface des toitures. L’atteinte des objectifs a été permise ici aussi grâce à une recherche de maîtrise des délais et des coûts et d’un engagement commun de la maîtrise d’œuvre et des entreprises sur les objectifs du programme et le niveau des performances à atteindre. Les locataires bénéficient quand à eux d’un suivi énergétique et d’un accompagnement sur les pratiques quotidiennes de consommation d’énergie. Comme l’a souligné David CHEVALIER, habitants et bailleurs sociaux trouvent un intérêt commun à la performance énergétique : la réduction de la facture énergétique augmente la solvabilité des ménages souvent avec des revenus modestes ce qui leur donne une meilleure capacité à honorer les loyers. Outre la dimension environnementale, la performance énergétique s’inscrit donc pleinement pour Nantes métropole habitat dans une démarche de développement durable en faisant converger les contraintes socio-économiques des habitants et l’atteinte de performance environnementales et énergétiques élevées.

En début d’après-midi, Jacques VENANT de la Fédération Française du Bâtiment Pays de la Loire a exposé le point de vue des professionnels du bâtiment concernant les conditions à réunir pour rendre possible l’innovation à un coût maitrisé. Ici aussi, le suivi du chantier et l’organisation des différents corps de métier, notamment la gestion de leurs interfaces, sont des paramètres très importants. A cet égard, la FFB souligne également le potentiel important qui est offert par les outils de modélisation des données du bâtiment. La connaissance des nouveaux matériaux et la maîtrise des procédés constructifs innovants implique d’investir fortement dans la sensibilisation et la formation des professionnels. Pour tester en situation réelle la faisabilité de logements à énergie positive, la FFB a piloté le projet VillAvenir au nord de la commune de Nantes où 3 procédés de construction (bois, béton, métal) ont été testés. Cette opération a permis de communiquer et sensibiliser la profession sur toute la région et de tirer des enseignements en terme de conduite de chantier.

Michel PATTÉE, maire de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire) et président de la communauté de communes de la Région de Doué-la-Fontaine, a présenté la démarche de sa commune pour traduire les axes de la stratégie territoriale en matière de transition énergétique et de développement durable (PLUI et agenda 21) dans des actions opérationnelles : la revitalisation du centre-bourg, la création d’une coulée verte et l’optimisation du foncier en centre-ville grâce à la densification douce permise par la division parcellaire (Bimby comme Build in my backyard). Étant donnés les enjeux du territoire de Doué-la-Fontaine (devenir un territoire à énergie positive, revitaliser le centre-ville et conforter la ville-centre, rénover l’habitat ancien dans les centres-bourgs et en centre ville, lutter contre l’étalement urbain, développer la mixité et la solidarité générationnelle), les solutions doivent être multiples et innovantes. Pour mettre en œuvre la feuille de route de cet ambitieux projet, les collectivités (commune et CC) bénéficient de l’accompagnement de l’Etat en étant lauréates de 2 dispositifs nationaux : l’appel à projets Territoires à énergie positive pour la croissance verte et l’Appel à manifestation d’intérêt Centres-Bourgs.

Enfin pour clore la journée, une table ronde réunissant Pascal PRAS - vice Président de Nantes Métropole, Michel PATTÉE – maire de Doué-la-Fontaine, Guillaume JEAN - Établissement Public Foncier de Vendée, Roland GERARD - Ademe, Isabelle MOREL - Fédération Française du Bâtiment des Pays de la Loire, Denis TRASSARD - Caisse des Dépôts et des Consignations et Laurent LE CORRE – Services, Conseil, Expertises et Territoires (SCET) a permis d’éclairer les rôles des principaux acteurs de l’aménagement et de la ville durable et leur complémentarité.

Programme

10h00 – 10h10 : Introduction - DREAL des Pays de la Loire

10h10 – 10h45 : L’aménageur au cœur de la fabrique des écoquartiers. Retours d’expériences.
Hugues DELPLANQUE – Loire Atlantique Développement - Sela

10h45 – 11h15 : L’innovation dans la production de logements. Témoignage d’un promoteur
Laurent GOURDON, Stéphane CAILLAUD, Olivier SELLES - Bouygues Immobilier

Échanges avec la salle

11h30– 12h00 : Du logement social à énergie positive. Le Grand Carcouët
David CHEVALIER - Nantes Métropole Habitat

Échanges avec la salle

12h30 – 14h00 : déjeuner à l’Ensa (offert par la DREAL)

14h00 – 14h30 : Énergie, écoconstruction, prise en compte des usagers : les réponses des professionnels de la construction
Jacques VENANT, Président de la Commission Environnement Développement Durable de la Fédération Française du Bâtiment des Pays de la Loire

14h30 – 15h00 : Les territoires, terrains d’expérimentations et d’innovations
Michel PATTÉE – maire de Doué-la-Fontaine et Damien BINOS – CC de la région de Doué-la-Fontaine

Échanges avec la salle

15h15 – 16h15 : Table ronde
Quels leviers pour promouvoir les ambitions pour la Ville Durable ?
Pascal PRAS - vice Président de Nantes Métropole, Michel PATTÉE – maire de Doué-la-Fontaine, Guillaume JEAN - Établissement Public Foncier de Vendée, Roland GERARD - Ademe, Isabelle MOREL - Fédération Française du Bâtiment des Pays de la Loire, Denis TRASSARD - Caisse des Dépôts et des Consignations et Laurent LE CORRE – Services, Conseil, Expertises et Territoires (SCET).

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